CHAPITRE X

AUTRE VARIANTE : LE RETOUR PAR LES ECRINS

Vous n'aurez probablement pas l'état d'esprit de l'effectuer à votre premier 300 sur Plampinet, mais un jour fumant, avec du temps devant vous, ce trajet constitue une gâterie que vous auriez tort de vous refuser. Il est somptueux mais aussi pédagogique en ceci qu'il vous offre des conditions de vol en très haute montagne que vous ne trouverez autrement que bien plus au Nord. Le tout en parfaite sécurité car vous ne perdrez jamais le local de St Crépin.
Sa faisabilité est évidente : les cumulus, les autres planeurs à des altitudes énormes vous montreront sans équivoque que l'endroit est accessible, il est d'ailleurs très fréquenté quand c'est le cas. Regardez dehors, et pas seulement pour le paysage !
On l'attaque, venant de Plampinet, par le massif du Granon d'où on saute sur la Condamine, au dessus de Serre Chevalier. De là , on rejoint la Cime du Paillon, au dessus d'Ailefroide, qui constitue le début de la chaîne des Agneaux, que l'on peut aborder en pente pour mieux appécier ses roches rouges, en dents de peigne au début. On remarque d'ailleurs une dent plus haute que les autres : les gens de St Auban l'appellent " La bite à Clovis " - une pensée émue pour Madame Clovis...
Si vous êtes pressés, ou intimidés par ce qui vous reste à grimper vers le Glacier Blanc, vous pouvez tirer au Sud sur le Pelvoux, sinon continuez vers les Agneaux et le bord nord du Glacier. Là, vous fait face la Barre des Ecrins, que vous pourrez gravir si le plafond le permet. Elle est trop étroite vers le sommet pour y faire vraiement de la pente, mais vous pourrez tourner autour, assez haut tout de même pour ne pas vous faire piéger du côté Ouest, et avoir le plaisir de survoler la grande croix qui la coiffe. 41 ! C'est presque le Mont Blanc.
Si le plafond est trop bas, faites le tour du glacier au pied de la Barre, suivez le bord Sud et rejoignez le Pelvoux. Si vous êtes en dessous des crêtes, une brèche spectaculaire vous fera traverser la falaise pour déboucher vers le Glacier Noir. Vous remarquerez effectivement l'aspect monstrueux du relief à cet endroit, vers le Pic de Coolidge, fait de roches noires, dentelées, comme prêtes à vous mordre et vous avaler tout cru, vous et votre petit planeur. (en finesse 15 de St Crépin, on peut délirer un peu, tout de même).
Refaites un plafond au Pelvoux, vers 40, puis envisagez de partir plein Sud, vers le Pas de la Cavale à 20 km, après vous être bien repérés car il existe à ce niveau un risque de vous perdre en vous trompant de vallée, surtout si la nébulosité est forte et que vous êtes, comme c'est probable, vers les barbules. De plus, les plafonds descendent parfois brusquement, ce qui peut vous faire voler au dessus des cumulus. Gardez un cap 180-190 et cherchez à voir le Lac de Serre Ponçon pour éviter toute erreur.
On peut résumer en disant que vous devez viser, à partir du Pelvoux, la troisième vallée à droite.
La première, entre le Pelvoux et la crête suivante qui mène au Pic d'Olan, descend vers les Deux Alpes.
La deuxième, entre le sommet des Bans et la crête qui mène au Sirac, c'est le Val Gaudemar, qui rejoint la Route Napoléon à St Firmin.
La troisième, où l'on pénètre par le bon col, le Pas de la Cavale, est la bonne. Ce col débouche au Sud Ouest sur deux vallées qui contournent la Montagne de Cedera, bien repérable, qu'on laissera à l'Ouest en prenant la vallée la plus Sud, ou plutôt en la survolant car, partis de 40 au Pelvoux, on est largement au dessus des crêtes. Sinon on aura dégagé à l'Est vers St Crépin avant de passer le col, plutôt que de passer en local de Chabottes, sauf si on se sent de travailler sur la zone Merlette, vieux Chaillol, Grand Antoine, favorable faute d'être familière.
Si on passe le col vers 35, le mieux est de continuer plein Sud, au cap, vers le Morgon, à 30km, qui paraît loin mais tout à fait accessible, quitte à refaire un peu de pétrole en chemin si l'on préfère assurer.
Du Morgon, le mieux est de sauter sur Dormillouse pour enquiller le Parcours. Parce qu' à cette heure, vers la fin de l'après-midi, il est en pleine forme, bien chaud et encore ensoleillé. Vous pourrez rattraper le temps passé à faire du tourisme dans les Ecrins.
Arrivés au Denjuan, vous quitterez le Parcours pour Chamatte, puis Cordoeil et le retour habituel sur Fayence.
Profitons de ce retour à l'Ouest pour considérer l'éventualité d'une Vallée d'Allos bouchée par un ou plusieurs orages. Si on l'a constaté tôt venant du nord à Barcelonnette, on aura pu rejoindre le Parcours par la grande Séolane, puis la Blanche ou les Trois Evêchés, selon les plafonds. Le mieux est de gagner ensuite le Cheval Blanc et d'y refaire un plafond pour avoir un bon visuel sur le problème, l'idée étant " d'arrondir " le cheminement du retour pour contourner l'obstacle par le Sud. Cela peut se limiter à une trajectoire Charvet - Chalvet - La Mure puis retour vers la crête des Serres et le Teillon si le bouchon est haut situé. Mais peut s'étendre à une option très Sud à la recherche de la Serre de Montdenier ou du Mourre de Chanier, pour une rentrée plein Est par le col de la Glacière. L'avantage de ce choix est qu'il conserve le local de terrains : St Auban, Puymoisson, Ste Croix, donc dépannage facile si problème. De plus le trajet Serre de Montdenier - Fayence assure les champs de Trigance et La Roque : on peut cheminer bas sans danger.
L'inconvénient évidemment, est que les plafonds peuvent n'être pas terribles.
Il faut donc bien lire le ciel pour rester en limite Nord des meilleurs plafonds. Si on ne descend pas trop au Sud, on sera en local de Barrème et La Mure.
Et puis, il y a le cas de figure peu agréable d'une rentrée de marin dans la cuvette, au retour. Vous étiez tout contents de revenir d'un beau circuit, commençant à vous relaxer en arrivée, et vous entendez sur les ondes que ça se bouche sur Fayence. Pas de panique, c'est rarement hermétique, mais vous vous relaxerez plus tard...
Passez en fréquence Fayence, d'où le starter et les planeurs en local vous décriront la situation.
Le plus souvent, la couche est à claire-voie et basse, de sorte qu'un passage par Valferrière " on top " en gardant le sol en visuel entre les nuages permet de retrouver la cuvette sans risques. C'est souvent dégagé sur la plaine de Fayence, seuls les sommets sont accrochés.
Si la couche est épaisse ou qu'on arrive bas, alors il faut que le Col de Valferrière soit libre, ou pouvoir slalomer entre les cumulus. C'est une possibilité fréquente.
Et si Valferrière ne passe pas, alors il peut rester La Glacière, à 11, qu'on rejoindra en passant entre Brouis et Lachens, avec le champ de la Rocque si problème.
Dans ce cas, se méfier du Malay à contre-pente car les rentrées de marin s'accompagnent souvent de vent de Sud.
Le vent vous aura été donné par les gens en local ou la balise du Lachens, ce qui ne vous dipense pas de jeter un oeil à la biroute du Lachens au passage.
Si vraiement tout est bouché, et qu'il n'est pas trop tard, le Logis n'est pas pour autant inévitable : essayez de tenir en local, l'évolution peut être favorable.
Et, bien sûr, pas de blague : n'allez pas vous raconter une histoire trop rassurante, genre martingale de casino, qui va vous inciter à tenter une percée !

 


CHAPITRE XI

EVENTUALITES...

Vous avez remarqué que notre circuit et ses variantes n'ont pas donné lieu à des difficultés particulières hormis quelques cas de figure simples, d'évolution favorable. Cela correspondra le plus souvent à la réalité si vous choisissez une bonne journée, mais il peut y avoir des moments difficiles amenant deux soucis : le point bas et l'enfarinement. Il n'est pas inutile de réfléchir sur ces deux concepts, au delà de leur évidence première.Le point basTout d'abord, le point bas peut n'être pas du tout un souci, mais s'intégrer dans une stratégie de vol très rentable en terme de gain de temps. Deux conditions doivent être réunies : il doit s'effectuer sur une zone réputée pour être très favorable, même à faible hauteur, et être largement anticipé. Dans le cas contraire, il risque fort de n'être que le premier stade de l'enfarinement ...
Le gain de temps s'obtiendra sur deux étapes s'articulant autour du point bas : une grande transition sans spirale pour l'atteindre, puis une remontée rapide dans un gros thermique ou sur une longue pente.
Un bon exemple : Le Dormillouse. On peut calculer, surtout en fin de journée, d'y arriver bas, vers 21, en prenant soin tout de même d'être au dessus du plateau qui se situe à mi-pente, vers 20, pas assez raide pour être exploitable. Vous êtes en local de Seyne de toute façon. Vous pouvez y venir directement du Nord, on l'a vu, mais aussi du sommet du Pic de Bure, à 45km (il vaut mieux être en ASH...). Même parterre au Dormillouse, vous pourrez attaquer le Parcours et poursuivre la transition en pente, toujours sans thermiquer, au moins jusqu'à Chamatte, 30 bornes plus au Sud.
Un autre exemple peut être un point bas à Cordoeil, à l'aller surtout. Il peut se prendre à 17 sans problèmes. Là, ce sont de bons thermiques qui confirmeront le gain de temps.
Mais la réussite dépend de l'absence de mauvaises surprises : mettez cette stratégie en oeuvre seulement si la possibilité de raccrochage au point bas est majeure, éventuellement confirmée par radio, ou si les témoins aérologiques sont évidents.
L'enfarinement Il ne se résume pas à un point bas raté, mais peut se pressentir encore haut, lorsqu'on arrive sur une zone à priori favorable mais qui s'avère décevante. On peut le subodorer encore en transition, si la masse d'air apparaît anormalement calme par exemple, ou si les cumulus, qui avaient l'air sympathique de loin, se mettent à se déliter. De forts taux de chute, par contre, ne sont pas forcément défavorables : il suffit de ne pas y traîner, ça monte sûrement ailleurs.
A ce point, où vous sentez clairement que les choses n'évoluent pas bien, surtout continuez à avancer, ne faites pas demi-tour dans l'espoir de regagner les Vz positives d'où vous venez : elles sont probablement déjà hors de portée, et refaire un trajet descendant vers l'arrière est complètement nul. Une seule dérogation à cette règle : si la progression vous fait sortir d'un local sans vous en donner un autre. Mais sur Plampinet, c'est peu probable tant les zones posables sont proches. Seul de fond de la Vallée d'Allos, si les cols sont bouchés, peut poser ce problème.
Les choses ne s'arrangent pas, le sol monte et les Vz restent négatives pendant que vous vous dirigez vers tel ou tel lieu de montée probable. Vous êtes sortis d'un plan normal de progression du circuit, il vous faut absolument remonter.
Là, vous êtes vraiement enfarinés.
Nous avons déjà envisagé le problème en terme de gestion du stress, que la situation n'aura pas manqué de susciter. Vous êtes donc calmés, il faut à présent vous sortir de là, et rapidement car le temps qui vous sépare de la vache inévitable peut se compter en minutes.
Une seule solution : tout en vous maintenant à l'intérieur du cône de sécurité centré sur le champ ou le terrain de secours, collez-vous au caillou tel l'arapède.
Bien sûr, pas n'importe lequel : le plus proche bien orienté par rapport au vent et au soleil. Là, vous aurez au moins de quoi tenir et trouver le temps de faire le point pour une analyse plus fine. Car il vous faut changer vos plans et votre démarche intellectuelle : vous ne volez plus d'un point à un autre dans le but d'effectuer un circuit, mais vous faites du vol local autour d'un champ ou d'un terrain, comme vous en avez l'habitude à Fayence, avec pour but de refaire un plafond.
Une erreur à éviter : se maintenir en milieu de vallée pour se voir haut est faussement rassurant, la probabilité comme en plaine d'une bonne pompe sur une zone claire ou autre est très faible, à l'exception de certaines roubines, mais qui sont près du relief le plus souvent.
Quelques trucs vous seront utiles : tout d'abord, mettez vous dans la peau d'un pilote de chasse : dévissez vous la tête à regarder partout, non pas à l'affût de ce qui va vous descendre, mais de ce qui va vous faire monter : un fracto qui se forme, un planeur ou un oiseau qui spiralent. Repérez des arbres qui bougent, des fumées au sol : vous évaluerez les pentes qui donnent, mais aussi le vent au sol : ce sera ça de fait en cas de vache finale.
Si vous êtes en local d'un terrain, contactez les autochtones sur leur fréquence : ils vous indiqueront les pompes de service du jour. De toutes façon, annoncez-vous sur la fréquence circuit de Fayence. Si vous êtes bas, un moniteur loin de vous peut vous avoir appelé en vain, des collègues plus près pourront faire relai pour essayer de vous aider. Annoncez vous sobrement - position, altitude, Vz suffisent - inutile de répandre votre angoisse sur les ondes : vous n'êtes pas sur CNN, et personne ne vous enverra de psychanalyste.
Soignez plutôt votre pilotage : tout est plus difficile en bas, étroit et turbulent, il vous faut être au top, et éviter deux écueils : trop insister sur une zone médiocre genre un coup dans le zig, un coup dans le zag, au risque de vous faire descendre sur place, et ne pas patienter assez sur une zone pas terrible mais qui peut bloblotter un moment avant de larguer la bulle salvatrice. C'est un dilemme difficile à trancher, car la solution ressort autant d'un senti des choses que de leur analyse aérologique.
Prenons un exemple personnel qui complètera l'épisode de St Crépin : enfariné à Barcelo. Venant du Sud, arrivé bas sur le Bérard, ce dernier ne donne rien. Mauvaise surprise... J'ai beau astiquer la paroi, puis la forêt, puis les roubines supérieures, rien - ou presque. Là, une odeur de roussi envahissant l'habitacle, je contacte Barcelo, vers 18. Une voix très professionnelle, style " le Commandant Machin est heureux de vous accueillir sur nos lignes ", m'indique la piste en service et me conseille les roubines en bout de piste, au pied du Pain de Sucre. Je les atteints à 15, en même temps qu'un remorqueur tirant un biplace. Effectivement, ça repart, et me permet de ramper vers le bas du Pain de Sucre, péniblement car la Vz moyenne est faible. J'espère une amélioration nette qui va me relancer vers les crêtes, en vain bien que toujours en montée lente. Assez haut pour essayer d'autres faces, toujours rien de probant. Je tente les faces Nord du Col d'Allos, pour voir - je ne vois rien et reviens sur le Pain de Sucre, toujours vers 18-20. Je n'ose pas trop m'éloigner pourtant, car j'ai au moins évité la vache imminente. Mais je ne vois toujours pas de solution pour sortir de cette maudite vallée. Tout ceci dure, paraît long en tout cas. Il faut lutter contre l'envie d'abandonner, contre une voix intérieure qui sussure que la bière de Barcelo vaut bien celle de Fayence, et qu'elle n'est qu'à 10 minutes de vol...
Allons, il n'est que 16h, 14h au soleil, et comme disait l'autre, le St Ex, " on n'a rien donné quand on n'a pas tout donné ". J'aimerais l'y voir - je ne le verrai jamais : à mon âge il était déjà mort.
J'insiste, me laissant prudemment glisser vers le Chapeau de Gendarme, un peu plus à l'Est, ce n'est pas mal, pas pire en tout cas, jusqu'à petit à petit monter plus régulièrement, mi pente-mi thermique, pour me permettre d'espérer atteindre la montagne de l'Alpe, toute proche mais qui paraît bien loin, car pas très pentue à ces altitudes. J'y vois des parapentes, le signe du destin, qui me donne le feu vert. J'arrive enfin sur la zone, 3m, 4m, c'est gagné, à 29 je repasse en Vallée d'Allos pour un retour facile.
La morale de l'histoire tient en un mot : patience. Tant qu'il n'est pas tard au point de ne plus pouvoir progresser avant la fin de la convection, il faut tenir et ne pas se laisser envahir par un pessimisme foncier qu'augmente la fatigue. Et puis, quand on est sorti d'un enfarinement, la bière de Fayence est la meilleure du monde.
La vacheVoici un grand paradoxe du vol à voile : la vache est la condition même de possibilité du vol en circuit, car qui s'éloignerait du local avec la certitude de ne pouvoir se poser ailleurs ?
Mais qui part en circuit avec le souhait de se vacher ? : c'est aussi un évènement hautement indésirable.
De toutes façons, vous y êtes préparés, c'est dans le programme. Vous en avez déjà l'expérience le plus souvent, qui vous a rassuré car au fond ce n'est pas si terrible pour peu qu'on prenne la décision assez tôt, et qu'on s'y tienne. On est donc fondé à dédramatiser la vache, mais il semble judicieux, pour autant, de ne pas la banaliser. Car c'est un échec, dans tous les cas. Echec dans la mesure où elle survient toujours après un long moment passé à essayer de l'éviter, à développer des stratégies qui s'avèrent inopérantes. Même quand des conditions météo imparables y conduisent, on peut toujours penser qu'on aurait pu prévoir. Il ne s'agit pas, bien sûr, de s'auto-mortifier bêtement, mais de profiter de l'occasion pour réfléchir sur sa pratique, dans l'optique de progresser.
Un vélivole plein de bon sens avait, lors d'une réunion sur la sécurité, incité les pilotes à douter. Excellente formule. Le doute en question n'est pas celui, stérile, qui vient empoisonner chaque décision en l'air, mais le doute plus intellectuel, exprimé à froid, qui pousse à se remettre en question.
La vache en est une excellente occasion.
Elle vous en laisse le temps : plusieurs heures de tranquilité à attendre les dépanneurs. Au lieu d'expliquer aux badauds que, non, vous ne vous êtes pas posé parce que " le vent est tombé ", ou de déplorer l'obsolescence du droit de cuissage au vu de quelque bergère dans votre champ, isolez-vous, et réfléchissez.
Profitez de la fraîcheur des évènements pour essayer de repérer le moment, qui peut être assez précis, où le processus d'échec s'est enclenché. Ce peut être tout simple, une pompe ratée, ou plus complexe, une mauvaise décision une heure auparavant. Et efforcez-vous de comprendre pour stocker le tout sur le disque dur de votre mémoire. Cela resservira très probablement.
Si d'autres planeurs vous rejoignent - vous avez l'air moins bêtes, tout d'un coup - profitez aussi de leur expérience. C'est un premier debriefing important.
Plus tard, de retour au terrain, faites l'effort d'un deuxième debriefing avec l'instructeur et ceux qui, ce jour là, sont rentrés : n'ayez pas de fausse pudeur, votre échec peut leur apporter autant qu'à vous leur réussite. Enfin, de façon plus générale, si avec le temps vous constatez que vous vous vachez plus souvent que beaucoup d'autres, admettez que votre approche du vol en circuit est imparfaite, et tâchez d'y remédier. Cela peut d'ailleurs se produire par périodes, quelque soit votre niveau habituel.
Ceci vaut également pour les circuits avortés : prévus pour sortir, vous faites demi-tour tôt ou même restez en local. Parfois c'est une sage décision : vous constatez que seuls les meilleurs sortent car les conditions sont très difficiles ; ou bien vous vous rendez compte que la fatigue de la semaine, ou des soucis personnels, ne vous permettent pas d'avoir la concentration nécessaire. Renoncer est alors une sécurité.
Dans tous les autres cas, une mise au point avec vos instructeurs est souhaitable.
Pensez alors aux vols en double, avec un instructeur ou un ami : ils permettent souvent de passer un cap, de reprendre confiance.

 


CHAPITRE XII

UN PEU DE TECHNIQUE

Avoir à présent effectué votre Plampinet, même sur le papier, vous aura peut être rendus plus réceptifs à quelques notions tout à fait matérielles : vous avez probablement constaté que vous avez été très occupés, par un pilotage exigeant et des choix multiples. Il aurait été démontré qu'un vélivole en circuit doit prendre une décision toutes les 20 secondes... Ceci a quelques conséquences sur votre équipement et l'utilisation de l'électronique embarquée.L'équipementLe maître mot est l'ergonomie : tout ce qui ne peut être utilisé dans les cinq secondes peut aussi bien être oublié : trois minutes de contorsions dans le cockpit pour récupérer le livre des champs coincé au fond d'une sacoche est impensable à 200m/sol. La carte doit être renseignée et pliée de façon logique. Une combinaison bien pourvue en poches accessibles vous fera gagner du temps lorsque vous rechercherez de petits objets comme des bonbons ou des lunettes.
Prévoyez les turbulences : il n'est pas rare que quelques secondes d'apesanteur dérangent la belle ordonnance de vos affaires.
Affaires dont vous limiterez autant que possible l'usage régulier en vol à l'eau et à la nourriture : vous devrez si possible connaître par coeur le trajet et les champs ou terrains posables : les documents, dans l'idéal, ne devraient servir qu'à vérifier certaines données (altitudes, fréquences). Si vous êtes obligés de sortir la carte pour vous repérer dans la Vallée d'Allos, vous êtes graves.
Idem pour les distances, que vous devez apprécier de visu, réservant la règle pour un chiffrage plus précis.
L'intérêt du vol préalable en double est majeur dans cette optique : il vous laisse le loisir de bien mémoriser les lieux et leurs noms, les distances, les plans optimaux d'un point à un autre. Se concentrer sur le pilotage pour épater l'instructeur est inutile : vous pouvez aussi bien faire cela en local.
Mémoriser les noms, la toponymie, est essentiel : il est difficile d'obtenir par radio la réponse à une question du style " C'est où le Courradour ? " si on vous invite à y aller pour refaire un plafond, et que ce nom ne vous dit rien.
L'objectif ultime de tout ceci étant de gagner du temps pour regarder dehors, où tout se passe, et de ne pas être distrait par des questionnements parasites ou des doutes superflus.
L'électroniqueIl faut vraiement observer les cockpits d'une grille de départs de championnat du monde pour mesurer à quel point l'électronique envahit les tableaux de bords. Dans nos planeurs de club, le phénomène est d'ampleur plus modeste mais non négligeable. Dans certains standards, un directeur de vol électrique a remplacé la couronne McCready.
Il y a aussi, bien sûr, le GPS.
On peut envisager l'interêt de cette sophistication en termes de sécurité et de performances.
En termes de sécurité, le plus élémentaire des bons sens exige de pouvoir s'en passer, car pannes ou, plus souvent, faiblesses de batterie sont toujours possibles. Un pilote m'a secrètement avoué qu'il embarquait un GPS car il avait tendance à se perdre. Il est vrai que le " sens de l'orientation " est inégalement partagé, et que le GPS est souverain...quand il fonctionne. Mais c'est un remède palliatif qui ne paraît pas faire l'économie d'un travail personnel d'amélioration de sa navigation à vue.
Seul le vario sonore apporte un plus net - à condition d'en supporter le couinement omniprésent et le côté sinistre de sa plainte, qui sonne comme un glas dans les varios négatifs.
Les calculateurs d'arrivée ne sont pas facilement utilisables en montagne car les transitions sont très raccourcies, découpées en passages de col, traversées de vallée, avec chaque fois des incertitudes aérologiques qui impliquent de fréquentes reprogrammations de l'appareil pour un usage rigoureux. Au plan de la sécurité, un calculateur d'arrivée ne vous apportera rien par rapport à la visualisation d'un plan, d'un passage de col. S'il vous prédit que " ça passe " et que vous voyez, à tort ou à raison, que ça ne passe pas, fiez vous plutôt à vos yeux. De plus, la marge de sécurité que vous prendrez logiquement annulera le gain en performance que pourrait vous donner le calculateur. Qui de sensé pourrait se contenter d'un local posable aux limites de la finesse Max ?
Enfin, toujours en termes de sécurité, l'utilisation de ces appareils implique leur maîtrise parfaite, ce qui n'est pas toujours facile. Faute de quoi, on passe du temps le regard dans l'habitacle, à tripatouiller des boutons en pestant, pour finir par douter du résultat. Pas terrible... Dans le cadre de l'utilisation des planeurs du Club, dont les tableaux de bords ne sont pas standardisés, c'est un paramètre important : il n'est pas facile de rester familiarisé avec des appareils dont la nature ou seulement le calibrage change d'un planeur à l'autre.
Au plan de la performance, on rejoint en fait l'idée de base qui a conduit à l'élaboration de ces aides électroniques. L'évolution des performances des machines, de leurs finesses et donc de leurs angles de plané, a fait que l'oeil humain a été dépassé. Cet angle de plané est de 2° pour 30 de finesse, de 1° environ pour 60 de finesse. Les différences de plans d'arrivée en concours, qui peuvent vous faire perdre ou gagner une épreuve, se comptent en minutes d'angle, donc totalement imperceptibles. De plus, le but est souvent hors de vue. D'où l'intérêt des calculateurs en course, surtout en plaine.
En montagne, le relief et l'aérologie rendent quasi impossible de longues arrivées calculées. J'ai entendu dire que Fayence ne pouvait accueillir de courses importantes pour cette raison, ce type d'arrivées y étant trop dangeureuses.
C'est vrai que les clubs de la vallée de la Durance sont mieux lotis à cet égard.
Mais vous n'êtes pas en course, ni même en situation de " faire un temps ", donc vous voyez que ce type d'instrument vous concerne peu.
Le directeur de vol, ou Mc Cready électronique, pose d'autres problèmes. S'il est du type Push-Pull, il est difficile a utiliser de façon efficace : il faut qu'il soit parfaitement compensé, et que le pilotage qu'il induise soit idéal, c'est à dire avec le bon tempo et en douceur. Il faut savoir qu'un profil d'aile donne les performances calculées en écoulement stabilisé autour de lui : si l'angle d'attaque varie, il existe un moment transitoire où la couche limite est altérée, donc le rapport portance - traînée devient moins favorable. Idem lors du braquage des gouvernes et des volets. Donc si vous n'arrêtez pas de bouger manche et volets pour suivre le directeur de vol, vous risquez de perdre en aérodynamique ce que vous gagnerez en aérologie. Avec en plus la fatigue induite par l'attention exigée et les " G " qu'il est souvent nécessaire de s'imposer, si les variations de Vz ont beaucoup d'amplitude.
C'est pourquoi les Mc Cready électriques modernes ont éliminé le problème en n'affichant qu'une vitesse moyenne de transition, correspondant au calage choisi, toujours sur le même principe de la Vz à venir. Par exemple, pour un standard de 40 de finesse, caler à + 2 revient à stabiliser sa vitesse de transition à 135 km/h, quelles que soient les Vz traversées.
Les planeurs de St Auban sont ainsi équipés, ce qui correspond bien à l'aérologie alpine.
Dans des conditions plus modestes, avec des Vz faibles, cette méthode est par contre trop grossière, trop approximative : il vaut mieux onduler, on pourra le faire plus doucement puique les Vz ont des écarts plus faibles, et les pertes aérodynamiques ou instrumentales seront moins pénalisantes. On volera ainsi le soir, sur le retour, quand les ascendances commenceront à se calmer.
Un mot pour terminer sur l'oxygène.
S'il n'est obligatoire qu'au dessus de 35, et qu'un pilote en bonne santé peut voler beaucoup plus haut sans oxygène, il n'en reste pas moins que le cerveau voit ses performances décroître à partir de 3 000 m, de façon faible mais perceptible. Le stress et les mouvements accroissent le phénomène. S'il est heureux qu'en planeur plus on est haut, plus détendu on est, il faut néanmoins éviter d'en profiter pour s'agiter à la recherche de tel ou tel objet qui aurait glissé derrière le siège, car ceci peut rompre un équilibre physiologique fragile, avec grosse fatigue, palpitations, malaise possible. Même s'il fait froid, ouvrez grand votre écope et l'aérateur : sinon vous allez ajouter à l'hypoxie le recyclage de votre CO2. Mauvais, très mauvais...Bien sûr, même si vous prévoyez pas d'onde, prenez un masque si votre planeur possède l'oxy : un " rail " d'O2 au dessus de 3000 m est toujours bienvenu !
Pour finir, la philosophie de tout ceci est d'être autonome. Vous avez choisi un sport minimaliste où les seules énergies qui vaillent sont solaires, éoliennes et intellectuelles. Assumez ce choix en évitant d'être dépendants d'instruments compliqués s'ils ne sont pas indispensables. A ce point de votre progression, ce n'est pas le cas, profitez-en pour acquérir des bases solides de tactique de vol et de navigation, à vue.
Idem pour le vol en groupe : si vous sortez avec des amis, soyez autonomes au plan de l'intelligence du vol : l'aspect très sympa, convivial, de ce type de vol, ne doit pas vous détourner du fait que si vous êtes seul à bord, vous êtes aussi, dans une certaine mesure, seul au monde.

 


CHAPITRE XIII

DEBRIEFING

Il semble bien que l'avenir du vol à voile soit le vol sur la campagne. Dans cette mesure, vos efforts pour progresser dans ce domaine, outre le plaisir individuel que vous ne manquerez pas d'en retirer, sont utiles aussi pour la communauté.
Ces derniers temps, la FFVV, les Clubs, constatent amèrement une diminution de l'activité vélivole en France. On parle de soigner l'accueil, de faire des piscines, et autres fariboles. Les gens ne viennent pas se faire câliner, ni trempette : il viennent voler.
Si l'on veut les attirer et les fidéliser, une seule solution, leur faire faire de beaux vols, et le faire savoir. Il ne faut pas se leurrer sur l'attrait à long terme du vol local : son côté Luna Park, déjà évoqué, devient vite lassant.
Même les parapentistes, avec leur modestes moyens, l'ont compris : se développent chez eux les vols de distance, qu'ils appellent les " cross ". Bon, ils en sont à faire Gourdon - St André en 6 h, mais l'esprit y est.
Des esprits chagrins redoutent l'élitisme, la course à la performance et à l'armement, le renchérissement des coûts. C'est mesquin : parcourir 3 à 500 km dans un planeur de 20 ans d'âge n'est ni élitiste ni onéreux. C'est juste ce que vous venez de faire, et ce que vous referez de plus en plus facilement avec l'expérience.
Mais vous le ferez d'autant mieux que votre club s'investit dans votre formation et dans le matériel adéquat.
C'est précisément au niveau de cette formation que le bât blesse. On voit bien un déséquilibre entre les moyens mis en oeuvre dans la formation de base, et ceux visant les vols sur la campagne : l'incitation est moins forte, le suivi moins rigoureux. Seuls les plus motivés ou les moins timides s'y trouvent à l'aise.
Les stages, à Fayence ou au CFHN, ne sont pas la panacée : ce sont des formules lourdes en temps et aléatoires : quelques jours de météo médiocre, le bénéfice devient quasi nul. Structurer, sur l'ensemble de la saison, un enseignement du vol en circuit apte à répondre aux besoins et aux attentes du vélivole moyen, et pas seulement des plus accrocheurs, est indispensable.
Sinon il est à craindre que les meilleurs seuls restent, souvent en délaissant les planeurs du club pour des machines perso, et que les autres, après quelques saisons, nous quittent pour le golf ou la voile, plus conviviaux et moins astreignants.
Si ce livre contribue, un tant soit peu, à la progression du pilote lambda, le plus précieux en terme d'avenir, il n'aura pas été inutile.

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